Barnabé le Barbare
Le jour d'arrivée à Sauvessanges de Barnabé fut un jour d'horreur dont je me souviendrais longtemps !
Nous avons acheté cet âne gris entier de 16 mois dans une ferme de la région de Langeac, en Haute-Loire.
La vie avait mal commencé pour lui puisqu'il avait été vendu au propriétaire à qui nous l'achetions sur une foire avant même d'être sevré. Mauvais départ.
Acheté dans la double perspective d'amuser les petits enfants des acheteurs et d'empêcher le renard d'approcher le poulailler (sic), il fut placé dans un pré voisin de la ferme. N'intéressant guère les petits-enfants en question, il fut pratiquement abandonné à son triste sort dans son pré. Le propriétaire ne trouva rien de mieux que lui apprendre à se cabrer devant les gens. Un vrai bonheur !!!
lorsque nous le visitâmes à Langeac, nous fûmes surpris de l’absence totale d’éducation de cet animal ; l’âne est le plus doux et le plus docile des animaux lorsqu’il est bien traité. Cet âne devait avoir une vie bien ennuyeuse pour en arriver à paraître aussi antipathique. Car il tirait, poussait, se cabrait devant l’homme, cherchait à mordre, et m’a t’il semblé, aurait été capable de nous botter si l’on ne s’en était méfié… Comble du malheur pour lui, il avait été affublé du nom ridicule de Cadichon …
La chose la plus raisonnable à faire eut certainement été de fuir sur l’instant au loin en oubliant pour toujours cet âne…
Mais, bien qu’antipathique, la détresse physique et mentale dans laquelle était plongé cet animal ni maltraité ni bien traité, abandonné à lui-même et aux horribles passants de tout âge qui venaient le harceler et le gaver de pain frais et autres gâteries nocives à sa santé, cette détresse nous incita à sortir cet âne de ce contexte détestable, et nous l’achetâmes…
Livré quelques jours plus tard par l’ancien propriétaire qui s’enfuit bien vite, il nous fallut une bonne demi-heure pour l’emmener au pré, 300 mètres plus loin, rejoindre les autres ânes. Enfin arrivés à l’entrée du pré après un véritable combat physique, ce fut le comble de l’horreur. Apercevant et sentant les autres ânes, il n’en avait certainement jamais vu de sa vie, il sembla devenir fou furieux et nous eûmes le plus grand mal à le contenir tant bien que mal. Au bout d’un moment nous décidâmes de faire entrer l’âne dans le pré. Car l’appréhension qui était la notre, était que Bambino, notre âne entier, âne adorable dénué de toute agressivité, ressente ce jeune mâle entier comme un adulte concurrent plutôt que comme un gros bébé mal élevé qu’il était encore, malgré les apparences. Nous fîmes donc entrer Barnabé (nous l’avions ainsi renommé) dans la fosse aux ânes…
Barnabé, l’horrible âne fît bien entendu le malin devant Bambino et nous nous attendîmes à un massacre !
Mais la surprise fut énorme ! Quel regret de ne pas avoir eu un caméscope sous la main, car jamais nous n’aurions imaginé voir ce que nous vîmes : Bambino, après l’avoir longuement reniflé sous toutes les coutures, le reconnut en effet comme un jeune mâle méritant une bonne leçon. Nous assistâmes alors à une scène captivante et émouvante à la fois.
Barnabé cherchait à attaquer notre cher Bambino. Mais celui-ci, parant les attaques saisit fermement Barnabé à pleines dents par l’oreille droite, ne la lâchant plus jamais, et partit au trot puis au galop, entraînant avec lui Barnabé, obligé de suivre le mouvement, à son coté. Il lui fit ainsi faire deux ou trois fois le tour du pré avant de le lâcher enfin. Barnabé en était métamorphosé et se mît à rechercher la compagnie de Bambino comme celle d’un maître. Avec nous il ne chercha plus jamais à tirer, pousser, se cabrer, mordre ou botter. Ce fut une expérience extraordinaire car nous avions imaginé tous les scénarios sauf celui-ci. Certes Barnabé doit encore apprendre beaucoup de choses avant de devenir un âne de ballade ou de randonnée, mais il y parviendra.
Depuis il a été castré et est devenu encore plus doux et docile, et nous le laissons sans problème au contact d'enfants...